dimanche 6 décembre 2015

Après le 13 novembre : ne pas laisser l’émotion aveugler la vision stratégique

















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Paru dans Ouest-France du 2-12-2015


Les attaques subies par la France ce 13 novembre dernier ont suscité une émotion légitime, et appellent des réponses fortes. Pour autant, elles n’invalident pas un certain nombre d’analyses stratégiques établies préalablement, qu’il serait dangereux de renier précipitamment.
En premier lieu, si la politique étrangère de la France doit incontestablement s’adapter à une nouvelle donne, le lien entre cette politique-là et les attentats reste à démontrer. On peut, on doit, évoquer les risques inhérents à l’interventionnisme militaire de la France dans les dernières années (du Mali à la Syrie), ou sa relation avec plusieurs Etats du Golfe. Mais on doit aussi reconnaître que d’autres Etats européens comme l’Allemagne ou la Belgique sont également menacés aujourd’hui, alors qu’ils affichent des postures internationales fort différentes.
Ensuite, le phénomène « Etat islamique » (comme le phénomène jihadiste en général) est d’une grande complexité, et une solution uniquement militaire à cette question n’existe pas, pas plus qu’une perspective de victoire à court terme. La France, comme les Etats-Unis et d’autres, ont jugé non-souhaitable d’envoyer des troupes au sol en Syrie : le terrain syrien ne s’est pas subitement modifié dans la nuit du 13 novembre.
le régime de Damas, appuyé par Moscou qui l’a sauvé à plusieurs reprises, a été jugé responsable du désastre syrien autant que Daech. Que l’avenir de son chef importe moins à l’heure actuelle, cela est sans doute vrai. Que la Russie modifie son comportement, cible enfin l'Etat islamique davantage que les autres groupes d’opposition syriens, pour se réinsérer dans un dialogue stratégique avec l’Occident après son coûteux isolement ukrainien, voilà qui ouvre quelques pistes. Qu’il faille, pour une politique étrangère sérieuse, parler avec tous les acteurs qui comptent, c’est une évidence : on sait ce que coûte la posture néo-conservatrice consistant à ne dialoguer qu’avec ceux qui nous plaisent. Pour autant, le passif de Bachar al-Assad d’une part, l’agenda politique de Vladimir Poutine de l’autre, restent probablement incompatibles avec la vision française, au-delà de quelques opportunités tactiques.
Enfin et surtout, la France se veut une puissance de proposition, capable d’élargir le champ de vision stratégique. Au-delà de l’émotion du moment, c’est bien à cela qu’il faut procéder. Proposer une vision inclusive des maux du Proche-Orient et des déséquilibres sécuritaires internationaux, ne pas réduire les enjeux à l’avenir d’un seul régime, ne pas remplacer la finesse d’analyse par quelques slogans, ne pas oublier que la France n’est pas seule à être touchée par le terrorisme, et que le soutien international dont elle a bénéficié ne doit pas se transformer en « deux poids deux mesures » par relativisation des maux des autres, sont autant d’impératifs en ces temps d’épreuve, pour éviter de nouvelles étranges défaites.

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