A ce jour seule expérience issue des « printemps » de 2011 à susciter encore un espoir démocratique réel, la Tunisie n’est pas pour autant épargnée par les maux qui touchent beaucoup de sociétés arabes. Après un attentat (le 8 juillet) qui a tué six membres des forces de sécurité au nord-ouest du pays (revendiqué par Al Qaida au Maghreb Islamique), après des élections municipales (en mai) aux résultats contradictoires, ce pays de 11,3 millions d’habitants reste au cœur de toutes les attentions. D’abord parce qu’il est un acteur clef de l’histoire politique récente en Méditerranée. Ensuite parce qu’il illustre le combat qui se joue pour l’avenir des sociétés arabes. Ce faisant, il montre également l’importance stratégique du Maghreb, qui demeure un impensé français et européen.
La Tunisie au centre des recompositions méditerranéennes.
C’est à Tunis que la Ligue Arabe installa son siège en 1979 (jusqu’en 1990), après que Le Caire eut signé une paix séparée avec Israël. C’est à Tunis encore que l’OLP de Yasser Arafat trouva refuge après s’être éloignée de l’épicentre palestinien du conflit, chassée de Jordanie en 1970 puis du Liban en 1982. C’est à Tunis toujours que l’immolation de Mohammed Bouazizi en décembre 2010 (puis sa mort en janvier suivant), déclencha les « soulèvements arabes », après la « révolution du jasmin » et la chute de Ben Ali. Centre politique de substitution les deux premières fois, précurseur lors de la troisième, la Tunisie reste une vitrine des rapports de force en Méditerranée. Après la cause palestinienne, l’organisation (et les déboires) de l’unité arabe, puis l’explosion sociale issue des frustrations économiques et politiques régionales, le pays du jasmin devient le laboratoire de trois autres enjeux clefs du moment : l’intégration des partis religieux dans un jeu démocratique arabe normalisé, la lutte anti-terroriste en société arabe moderne, la sortie de la malédiction économique (et, partant, migratoire) au sud de la Méditerranée.
Importance stratégique. L’intérêt porté à la Tunisie par d’autres puissances internationales semble confirmer cette importance stratégique. La Qatar est massivement présent avec un fond souverain qui s’installe à Tunis, et plus de 100 millions investis dans le pays entre 2011 et 2017. La Turquie a signé des accords d’investissements et de coopération militaire en décembre 2017. Du côté européen, l’Allemagne a promis le financement de projets, et ses fondations gagnent en influence. La Chine finance le nouveau bâtiment de l’Institut Diplomatique pour la Formation et les Etudes, créé en juin 1997 et qui compte désormais des promotions de 50 élèves, dont la moitié de femmes. On voit poindre ici la rivalité plus globale entre les nouveaux géants du Sud, les puissances musulmanes du moment (il y en a d’autres), et des acteurs européens, au sud de la Méditerranée. Cette rivalité entraîne à Tunis un débat de politique étrangère qui reprend des lignes de clivage internes, notamment entre laïcs progressistes pro-européens et conservateurs plus attirés par le tandem Doha-Ankara.
Partenaire privilégié de la France et témoin des contradictions arabes
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