jeudi 31 août 2017

Laurent Fabius, 37 quai d’Orsay, diplomatie française 2012-2016

Résultat de recherche d'images pour "fabius 37 quai d'orsay"Laurent Fabius, 37 quai d’Orsay, diplomatie française 2012-2016, Plon, 2016

Comme un rapport de fin de mission, l’ancien ministre des Affaires Etragères Laurent Fabius a publié un bilan (naturellement sous un prisme personnel) de son action à la tête du quai d’Orsay, peu de temps après son départ du Ministère (pour prendre la présidence du Conseil constitutionnel). Ce type d’exercice, on le sait, participe toujours d’une figure imposée qui empêche de le prendre totalement pour argent comptant, mais offre toujours également des enseignements précieux.

D’abord sur les dossiers, les moments, que son auteur a choisi de mettre en avant. Laurent Fabius commence par l’accord de Paris sur le climat (COP21 de fin 2015), dont on connaît les difficultés depuis l’élection de Donald Trump, mais que l’ancien ministre et Premier ministre considère, sans sous-estimer les obstacles à venir, comme le moment fort de son action au quai.  L’accord sur le nucléaire iranien et la tragédie syrienne sont les deux autres grands volets abordés ensuite, sur lesquels l’auteur ne renie rien et assume ses positions, critiquées comme on le sait : a-t-il été trop intransigeant, donnant l’impression de s’opposer à une solution sur l’Iran (hypothéquant par-là même l’avenir des relations avec ce pays), et marginalisant la France dans la crise syrienne à force de réclamer avant tout le départ de Bachar al-Assad ? Viennent ensuite les questions européennes, sur lesquelles Laurent Fabius pressent la nécessité de changer d’approche, face à la crise à la fois morale et politique de l’Union. Un dernier chapitre sur l’administration du ministère vient rappeler utilement les réformes engagées (en particulier une plus grande prise en compte de la préoccupation économique et commerciale), et celles qui restent à accomplir pour moderniser notre diplomatie. Et la conclusion revient sur l’indépendance de la France.

On retient de ce livre son ton souvent direct, ponctué d’anecdotes parfois cruelles pour certaines personnalités internationales, mais pédagogique, et en cela utile puisqu’il récapitule les dossiers, leurs points de blocage, leur dénouement, et les actions qui y ont conduit. On retient également la propension de Laurent Fabius à ramener plusieurs enjeux à une confrontation entre Washington et Moscou. Les « lignes rouges » syriennes et le recul de Barack Obama n’ont pas été digérés, mais les sirènes poutiniennes ne sauraient y constituer une alternative. Sur chacun des deux chefs d’Etat, le chef de la diplomatie française consacre de longs passages, et y revient encore dans sa conclusion. Prisme trop daté de la bipolarité ? C’est pourtant bien autour des ces deux figures que se sont recomposées les relations internationales dans ces années, au point même de faire sortir la France du jeu syrien, dans lequel elle avait initialement cherché à être structurante. Mais Laurent Fabius ne regrette rien. Le face-à-face entre l’Etat islamique et le régime syrien est l’œuvre machiavélique de ce dernier, véritable fossoyeur du pays et de sa population. Les Etats-Unis, en refusant de frapper à l’été 2013, ont laissé le champ libre à la Russie, qui en a tiré la leçon de la faiblesse occidentale, leçon dont on reparlera en Ukraine. Donc la position française était juste. Même si elle a conduit à la marginalisation, pourrait-on demander ? La cohérence de la posture et la force de son sous-bassement éthique semblent assumées ici, même si à court terme la percée politique ne fut pas au rendez-vous. 

Mitterrandien s’il en est, Laurent Fabius semble jouer pour l’Histoire : avoir eu moralement raison, avoir entamé la modernisation, comptent plus que d’éventuels succès de court terme. L’inconvénient, comme on le devine, réside dans le fait que là se trouve précisément le reproche souvent adressé à la diplomatie française (par exemple par Charles Cogan, dans son French Negociating Behaviour : Dealing With La Grande Nation), à savoir privilégier la posture et le processus plutôt que le résultat.

Laurent Fabius laisse ici de côté d’autres débats : concepts de gaullo-mitterrandisme ou de néo-conservatisme, de grandeur ou de déclin, s’effacent ici devant l’impératif de gestion, raconté de l’intérieur même si c’est avec recul. D’autres grands moments du quinquennat sont moins développés, comme s’ils étaient secondaires par rapport aux trois grands piliers retenus (COP 21, Iran, Syrie), moins marqués du sceau de l’auteur lui-même (comme la conférence sur le Proche-Orient), ou davantage gérés par d’autres (le Mali). Mais au final le témoignage est précieux, et l’on souhaiterait qu’il fasse école.



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