Jean-Christophe NOTIN, Les
guerriers de l’ombre. Taillandier, Paris, 2017
A la suite d’un documentaire réalisé sur Canal Plus par le
même auteur, connu pour ses ouvrages sur les opérations militaires françaises (Afghanistan,
Côte d’Ivoire, Mali…), ce travail dresse un portrait de treize agents de la
DGSE, qui acceptent (anonymement, et avec toutes les précautions d’usage, cela
va sans dire), de parler. Ils ont accompli des missions difficiles, dans la
clandestinité. De quoi parlent-ils au juste, sans pouvoir se livrer totalement,
sans trahir de secrets ? De leur recrutement, du métier, qui n’est pas ce
qu’on en dit, de ses joies comme de ses difficultés, de la solidarité comme de
la solitude, de l’aventure comme de la bureaucratie, des succès et des échecs,
des déceptions (au sens français du terme…) et des bonnes surprises. De l’Afghanistan,
aussi, qui sert de fil rouge à leur discours (et ils ne sont pas tous d’accord).
Après un certain nombre d’ouvrages de fiction (citons plutôt
DOA et son Pukhtu Primo que la série SAS,
qui ne semble pas dans le cœur des interviewés, en dépit de son succès de gare
et de l’estime de nombreux décideurs…), après la série Le bureau des légendes, après la création de l’Académie du Renseignement
qui avait pris l’initiative courageuse de plusieurs colloques ouverts (notamment
sur le renseignement dans la Première Guerre mondiale), ce travail confirme le
regain d’intérêt du grand public pour le renseignement en France, sans doute en
partie, hélas, du fait des attentats récents. Il vise sans doute, lui aussi, à
encourager des vocations, en démystifiant ou en répondant par avance à un
certain nombre de questions.
L’exercice est utile, et participe de ce que le monde
académique qualifierait, avec sa pompe, d’approche sociologique qualitative sur
la base d’entretiens semi-directifs. L’échantillon en est forcément réduit ici,
ce qui n’amoindrit pas le tour de force, de faire parler ceux dont le métier
est de se faire passer pour un(e) autre. Et d’insister sur le caractère
irremplaçable de l’humain, tant l’électro-magnétique demeure contournable. Leur
témoignage est rare et précieux. naturellement,
il ne règle pas tous les maux que l’on connaît en France : des études universitaires
de renseignement (ou intelligence studies)
à développer en dépit de quelques auteurs très productifs, sérieux et talentueux
(Forcade, Laurent…) ; surtout, des moyens financiers limités pour le
renseignement (les salaires suivent-ils les défis géopolitiques ?..) en
dépit d’un réel savoir-faire, internationalement reconnu ; comme partout ailleurs,
des améliorations organisationnelles à imaginer, etc. Il n’en demeure pas moins
que le livre mérite d’être lu, et confirme la contribution régulière de Jean-Christophe
Notin aux questions de défense.
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