J.J. JABBOUR, La
Turquie. L’invention d’une diplomatie émergente (préface de Bertrand badie), CNRS Editions, 2017
Cet ouvrage de Jana Jabbour en français sur la politique étrangère de la
Turquie était d’autant plus attendu que l’exercice est trop rare. Jana Jabbour
décrit et décrypte, à travers l’ascension de l’AKP et d’Erdogan, les évolutions
d’une stratégie internationale turque jadis formulée par Ahmet Davutoglu, aujourd’hui
en disgrâce. De cette diplomatie émergente qui s’était promis une relation à « zéro
problème avec le voisinage », que reste-t-il après des printemps arabes
qui ont laissé zéro voisin sans problèmes ? D’abord l’élaboration d’une
nouvelle conception de la puissance, qui réhabilite l’empire et en appelle à la
grandeur civilisationnelle derrière un leader qui se veut charismatique. Ensuite
des vecteurs de puissance originaux, à commencer par l’AKP en tant que parti,
mais aussi l’utilisation d’acteurs non étatiques, ONG, acteurs religieux transnationaux,
minorités, mais aussi think tanks (l’une des parties les plus réussies de l’ouvrage).
Le Moyen-Orient – arabe – est l’espace d’exercice de cette puissance
réinventée, la cible des entreprises diplomatiques turques. En dépit des drames
politiques, ce sont les populations qui font l’objet d’une entreprise de séduction
et d’un soft power « à la turque », fait de séries télévisées (un
autre passage fort intéressant), mais aussi de politiques d’éducation. Rien n’est
gagné bien sûr pour la Turquie, dans cet environnement proche-oriental si
complexe, qui rappelle à toute puissance ses limites. Mais Ankara compte bien
revenir en force dans ce grand jeu, fort de son passé et d’instruments d’avenir.
Les contradictions, les paradoxes, les principaux traits originaux de cette politique
nous sont dépeints ici avec précision, snas polémique inutile en dépit d’un
contexte passionnel, et dès lors ce travail fait référence sur le sujet en
langue française.
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