Arianna Huffington, L’Amérique qui tombe. Comment les politiques ont trahi le rêve américain et abandonné la classe moyenne, Fayard, Paris, 2011, 371 pages.
Connue pour son
engagement politique (présenté en quatrième de couverture, dans un remarquable
euphémisme, comme « de sensibilité démocrate »), la créatrice du Huffington Post nous livre ici un
tableau particulièrement sombre de l’Amérique actuelle. Pays du Tiers-Monde, à
la classe moyenne ruinée et démoralisée, aux infrastructures délabrées, à
l’éducation sinistrée, les Etats-Unis ont été livrés, selon l’auteur, aux
lobbystes, aux spéculateurs, aux intérêts des grandes entreprises, au point de
mettre en danger de mort les idéaux d’un pays qui a toujours dû son succès à
l’égalitarisme, et à ce formidable optimisme généré par l’idée que tout était
possible pour tout le monde, à force de travail et de persévérance.
A coups d’anecdotes
accablantes, de statistiques effrayantes ou de sondages surréalistes, l’auteur dépeint une Amérique pour le moins
surprenante (comme ce sondage Harris de mars 2010 dans lequel 57% des
sympathisants républicains croyaient le président Obama musulman, 37% d’entre
eux voyaient des points communs entre ses actions et celles de Hitler, 24%
envisageant plus simplement… qu’il soit l’antéchrist). L’ensemble de la
réflexion est fort documenté, utilisant la palette complète qui va de la
tranche de vie d’un individu jusqu’aux ouvrages de sciences sociales ou même
aux grands classiques de la philosophie. Le résultat en est un cri d’alarme
assourdissant, nuancé toutefois, dans le dernier chapitre, par la foi de
l’auteur en la capacité de l’Amérique à rebondir, aidée en cela, espère-t-elle,
par les nouvelles technologies qui donneront lieu à une gouvernance 2.0, par la
force du civisme de ce que James Rosenau appelait en son temps « l'individu
compétent » (skillful individual).
La dose administrée ici
par Arianna Huffington est forte. Elle n’est pas originale pour autant :
portraits de citoyens désespérés, calculs de ce que le budget de défense
pourrait financer de postes de fonctionnaires ou d’aides au plus pauvres,
critique violente du grand capital et de l’aliénation de la classe politique…
on retrouve là les classiques de la gauche américaine. Livre d’un temps de
crise, livre d’une déception aussi, après les premiers pas de l'administration
Obama, l’Amérique qui tombe reflète néanmoins
les angoisse de toute une classe moyenne. Si le ressort du rêve américain est
mal en point, il n’est pas cassé néanmoins. Et l’auteur, née en Grèce, émigrée
aux Etats-Unis à l’âge de 25 ans, continue de dire « nous » quand
elle parle de l’Amérique…
Frédéric Charillon
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