samedi 25 février 2012

Le renversement du ciel. Parcours d’anthropologie réciproque


A. Le Pichon, M. Sow, Le renversement du ciel. Parcours d’anthropologie réciproque, CNRS Edition, Paris, 2011, 616 pages

Signe des temps : le ciel se renverse, et avec lui la perspective du rapport observateur-observé, entre « L’Occident et le reste ». Issu d’un projet de longue date, cet ouvrage offre le regard d’observateurs venus « d’ailleurs », sur l'Europe, la France, le monde. L’anthropologie n’est plus uniquement occidentale, n’en déplaise à Claude Lévi-Strauss. Le résultat ne constitue pas qu’une simple curiosité. Il nous amène à découvrir ces autres visions, ces autres méthodes, ces autres boîtes à outils conceptuelles qui existent pour aborder la société, pour comprendre l’homme. Les anthropologues Alain Le Pichon, et Moussa Sow fournissent beaucoup des contributions, et sont accompagnés par Umberto Ecco, mais surtout par les philosophe et sociologue chinois Zhao Tingyang et Wang Bin, le conteur peul Diawné Diamanka, l’historien japonais Shigemi Inaga, le philosophe iranien Ali Paya et bien d’autres. Sur le Bas-Médoc, sur les Landes, sur l’Italie, sur les catégories de la connaissance scientifique, sur les instruments des sciences sociales, sur la notion d’empire, la parole leur est donnée, elle que l’on avait l’habitude de voir anglo-saxonne. C’est le regard de l’autre que l’on cherche, pour une harmonie qui procède enfin non pas de l’uniformité, mais bien de la richesse et de la compréhension de la différence. « Nous sommes passés de l’autre côté de la barrière de l’observation », nous martèle l’ouvrage. Pour y découvrir nos bizarreries, et réintroduire l’homme dans une science dont il faut se souvenir qu’elle est multiple. A Wittgenstein qui soulignait l’importance de la représentation comme seul auteur des portraits, à Geertz qui voyait en l’homme cet animal social pris dans la toile des significations, répondent ces nouveaux défis venus d’ailleurs, lancés à l’incommunicabilité. Nos guides touristiques, nos manuels scolaires, nos ONG même, à ce jeu, finissent par ressembler aux Dupondt dans les rues chinoises du Lotus bleu. Et Umberto Ecco rappelait jadis dans les Presses Universitaires de Pékin que Marco Polo, en Chine, recherchait des licornes…

Voir la rubrique des livres de Alternatives Internationales
Frédéric Charillon