lundi 30 septembre 2013

Action extérieure: les Etats-Unis à un tournant de crédibilité


Action extérieure: les Etats-Unis à un tournant de crédibilité

Plusieurs éléments suscitent actuellement le trouble chez les alliés (principalement non européens) des Etats-Unis.

Le premier d'entre eux est la perception d'un manque de vision stratégique sur des enjeux clefs. Le Moyen-Orient, et en particulier l'Egypte, illustrerait cette lacune : face à la destitution de Hosni Moubarak en 2011, Barack Obama avait semblé se rallier in extremis au soutien d'une révolution démocratique certes louable mais qui du point de vue de la Realpolitik mettait à bas un allié de longue date de l'Amérique ; dans la période qui a suivi, il a soutenu les Frères musulmans certes victorieux des urnes mais dont l'exercice du pouvoir allait rapidement exaspérer une grande partie du pays, notamment ses éléments les plus en lien avec le monde occidental ; pour finir, l'élite du pouvoir américain a montré des signes de division importants sur le fait de savoir s'il fallait ou non qualifier de coup d'Etat la destitution du Président Morsi. Pour résumer le niveau de confusion qui caractérise aujourd'hui la relation entre Washington et l'acteur qui fut l'un des piliers de sa politique moyen-orientale, il suffit de rappeler que des foules égyptiennes défilent avec colère dans la rue pour accuser le président américain d'être le complice... des Frères Musulmans.

Le deuxième élément est la perception d'une faiblesse face aux acteur émergents ou résurgents de la scène mondiale, y compris sur des situations dont la gravité n'est pas à démontrer. C'est naturellement le dossier syrien, et le sentiment d'un succès de la diplomatie russe, qui symbolisent ce point. Face à l'utilisation d'armes chimiques contre des populations civiles, le leadership du Président Obama aurait été pris en flagrant délit de faute tactique, pour avoir cherché à obtenir le vote à haut risque d'un Congrès incertain, alors même que la décision de frapper était apparemment prise. On connaît la suite, et même si l'initiative russe est loin de constituer le dernier mot de ce feuilleton tragique, même si cette prolongation de dernière minute obtenue par Vladimir Poutine tire probablement d'affaire Washington à bien des égards, c'est tout de même un sentiment de malaise qui prévaut. Que vaut la détermination américaine, s'interroge-t-on ailleurs, si celle-ci se paralyse elle-même devant pareil manquement aux droits de l'homme ? En cas de trouble grave touchant les alliés asiatiques de l'Amérique, quelle attitude ou quelle marge de manœuvre aurait Barack Obama ?

Troisième élément enfin, c'est également sur le plan intérieur que l'Amérique semble affaiblie. Alors même qu'il s'agit de rassurer les alliés asiatiques mentionnés ci-dessus, le shut down (une « fermeture » de l'administration américaine faute d'accord budgétaire), pourrait remettre en cause la visite de John Kerry et Chuck Hagel en Asie (au Japon et en Indonésie pour le sommet de l'APEC où doit se rendre le Président Obama). La simple évocation de ce scénario (déjà survenu en 1995 sous Bill Clinton) d'une annulation de visite internationale primordiale pour cause de chaos interne, ne contribue pas à apaiser les esprits.

Au final, les alliés asiatiques de l'Amérique sont inquiets, une partie des alliés du Golfe ne s'est pas remise du lâchage de Hosni Moubarak, d'autres (comme le Qatar) et parfois les mêmes (comme l'Arabie) se remettent difficilement du recul syrien, Israël accepte mal (c'est un euphémisme) le début de dialogue avec l'Iran... Il y a donc désormais crise de crédibilité de la diplomatie américaine. Celle-ci provient davantage d'une crise de lisibilité, que de cohérence sur le fond. Car la prudence sur le dossier syrien, in fine, s'explique. Car la reprise du dialogue avec l'Iran, qui semble correspondre à une tendance de fond et au début d'un réel processus, peut avoir sa logique, certes complexe. Car encore la comparaison entre la crise syrienne et une éventuelle crise asiatique, ne fait pas sens (les Etats-Unis ont des accords contraignants avec leurs plus proches alliés asiatiques comme le Japon ou Taïwan, pas avec le peuple syrien). Mais le story-telling importe en relations internationales, et la crédibilité est un attribut majeur de la puissance. A cet égard, Washington se trouve donc face à un virage devenu difficile à négocier.