dimanche 23 juillet 2017

Is. Facon, C. Marangé, « L’ambivalence de la puissance russe »



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 Is. Facon, C. Marangé, « L’ambivalence de la puissance russe », Revue défense nationale, été 2017



La RDN semble avoir trouvé sa formule de croisière, avec des dossiers thématiques complets abordés sous l’angle des études de défense, auxquels on ajoute pour mémoire d’anciens articles parus dans la même revue (qui existe depuis 1939), et quelques revues d’ouvrages récents. Le numéro proposé par Isabelle FACON et Céline MARANGE sur la puissance russe offre presque une trentaine de papiers précis, pointus même, qui ont également l’avantage de montrer que la communauté française d’experts sur la Russie est plutôt bien fournie.
Au-del de l’hypothèse centrale (la Russie est une puissance plus fragile que ce qu’en disent  les analyses qui se concentrent sur l’habileté stratégique de Vladimir Poutine), les contributions d’Eugène Berg sur la Russie dans le conflit syrien, d’Igor Delanoë sur sa présence en Mer Noire, de Robert Zazemann sur les forces russes en Crimée, son d’une grande utilité. Céline Marangé sur les forces nucléaires, Guillaume Lasconjarias sur les instrulments d’A2/AD, les papiers sur les forces terrestres, maritimes et aériennes, sont tout aussi précis. La stratégie russe vue de l’UE (Laure Delcour), de Scandinavie (Barbara Kunz), des pays Baltes (Zivile Kalibataite), du Bélarus (Anaïs Marin) ou du Caucase du Sud (Gaïdz Minassian), offrent des perspectives rarement explorées avec autant de minutie en France. Hélène carrière d’Encausse, Anne de Tinguy, Valérie Niquet, apportent les contributions de plumes reconnues, pour dire le moins.

Formule RDN oblige, les papiers restent extrêmement courts, et chacun pourrait faire l’objet d’un rapport bien plus long, plus développé. Mais l’essentiel, ici, était de démontrer que la communauté stratégique française en a les auteurs potentiels. Le numéro est pertinent, complet (sous l’ange défense) et bien informé. A ce titre, il constitue une référence. Les coordonnatrices auraient pu se replier sur des exercices plus convenus, qui auraient suffi à « meubler » un numéro de plus. Elles ont choisi de réunir de nombreux papiers sur des sujets souvent originaux, véritablement resserrés autour de l’analyse militaire et de défense (plus la sécurité énergétique), et à ce titre méritent que leur travail soit salué.



samedi 22 juillet 2017

Jean-Christophe NOTIN, Les guerriers de l’ombre



Résultat de recherche d'images pour "NOTIN, Les guerriers de l’ombre" Jean-Christophe NOTIN, Les guerriers de l’ombre. Taillandier, Paris, 2017

A la suite d’un documentaire réalisé sur Canal Plus par le même auteur, connu pour ses ouvrages sur les opérations militaires françaises (Afghanistan, Côte d’Ivoire, Mali…), ce travail dresse un portrait de treize agents de la DGSE, qui acceptent (anonymement, et avec toutes les précautions d’usage, cela va sans dire), de parler. Ils ont accompli des missions difficiles, dans la clandestinité. De quoi parlent-ils au juste, sans pouvoir se livrer totalement, sans trahir de secrets ? De leur recrutement, du métier, qui n’est pas ce qu’on en dit, de ses joies comme de ses difficultés, de la solidarité comme de la solitude, de l’aventure comme de la bureaucratie, des succès et des échecs, des déceptions (au sens français du terme…) et des bonnes surprises. De l’Afghanistan, aussi, qui sert de fil rouge à leur discours (et ils ne sont pas tous d’accord).

Après un certain nombre d’ouvrages de fiction (citons plutôt DOA et son Pukhtu Primo que la série SAS, qui ne semble pas dans le cœur des interviewés, en dépit de son succès de gare et de l’estime de nombreux décideurs…), après la série Le bureau des légendes, après la création de l’Académie du Renseignement qui avait pris l’initiative courageuse de plusieurs colloques ouverts (notamment sur le renseignement dans la Première Guerre mondiale), ce travail confirme le regain d’intérêt du grand public pour le renseignement en France, sans doute en partie, hélas, du fait des attentats récents. Il vise sans doute, lui aussi, à encourager des vocations, en démystifiant ou en répondant par avance à un certain nombre de questions.

L’exercice est utile, et participe de ce que le monde académique qualifierait, avec sa pompe, d’approche sociologique qualitative sur la base d’entretiens semi-directifs. L’échantillon en est forcément réduit ici, ce qui n’amoindrit pas le tour de force, de faire parler ceux dont le métier est de se faire passer pour un(e) autre. Et d’insister sur le caractère irremplaçable de l’humain, tant l’électro-magnétique demeure contournable. Leur témoignage est rare et précieux. naturellement, il ne règle pas tous les maux que l’on connaît en France : des études universitaires de renseignement (ou intelligence studies) à développer en dépit de quelques auteurs très productifs, sérieux et talentueux (Forcade, Laurent…) ; surtout, des moyens financiers limités pour le renseignement (les salaires suivent-ils les défis géopolitiques ?..) en dépit d’un réel savoir-faire, internationalement reconnu ; comme partout ailleurs, des améliorations organisationnelles à imaginer, etc. Il n’en demeure pas moins que le livre mérite d’être lu, et confirme la contribution régulière de Jean-Christophe Notin aux questions de défense.