A. Le Pichon, M. Sow, Le renversement du ciel. Parcours d’anthropologie réciproque, CNRS Edition, Paris, 2011, 616 pages
Signe des temps : le
ciel se renverse, et avec lui la perspective du rapport observateur-observé,
entre « L’Occident et le reste ». Issu d’un projet de longue date,
cet ouvrage offre le regard d’observateurs venus « d’ailleurs », sur l'Europe,
la France, le monde. L’anthropologie n’est plus uniquement occidentale, n’en déplaise
à Claude Lévi-Strauss. Le résultat ne constitue pas qu’une simple curiosité. Il
nous amène à découvrir ces autres visions, ces autres méthodes, ces autres
boîtes à outils conceptuelles qui existent pour aborder la société, pour
comprendre l’homme. Les anthropologues Alain Le Pichon, et Moussa Sow
fournissent beaucoup des contributions, et sont accompagnés par Umberto Ecco,
mais surtout par les philosophe et sociologue chinois Zhao Tingyang et Wang
Bin, le conteur peul Diawné Diamanka, l’historien japonais Shigemi Inaga, le
philosophe iranien Ali Paya et bien d’autres. Sur le Bas-Médoc, sur les Landes,
sur l’Italie, sur les catégories de la connaissance scientifique, sur les
instruments des sciences sociales, sur la notion d’empire, la parole leur est
donnée, elle que l’on avait l’habitude de voir anglo-saxonne. C’est le regard
de l’autre que l’on cherche, pour une harmonie qui procède enfin non pas de
l’uniformité, mais bien de la richesse et de la compréhension de la différence.
« Nous sommes passés de l’autre côté de la barrière de
l’observation », nous martèle l’ouvrage. Pour y découvrir nos bizarreries,
et réintroduire l’homme dans une science dont il faut se souvenir qu’elle est
multiple. A Wittgenstein qui soulignait l’importance de la représentation comme
seul auteur des portraits, à Geertz qui voyait en l’homme cet animal social
pris dans la toile des significations, répondent ces nouveaux défis venus
d’ailleurs, lancés à l’incommunicabilité. Nos guides touristiques, nos manuels
scolaires, nos ONG même, à ce jeu, finissent par ressembler aux Dupondt dans
les rues chinoises du Lotus bleu. Et Umberto
Ecco rappelait jadis dans les Presses Universitaires de Pékin que Marco Polo,
en Chine, recherchait des licornes…
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Frédéric Charillon
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