En 1990, dans son Turbulence in World Politics, le regretté
James N. Rosenau nous mettait en garde contre l’avènement d’un monde marqué par
des vents et tendances contraires (tendance à l’intégration comme à la
désintégration, à l’ouverture libérale comme à la crispation autoritaire), qui ne
se réduirait plus à une formule unique. A la bipolarité ne succéderait donc pas
l’uni- ni la multipolarité simples. A la guerre froide ne succèderait ni un
« brave nouveau monde », ni un « choc des civilisations »,
ni encore moins une « fin de l’histoire ». Plus encore, aux monde des
Etats se superposerait une monde multi-centré, animé par une prolifération
d’acteurs non étatiques : mouvements, associations, groupes religieux, entreprises,
jusqu’aux simples individus citoyens devenus producteurs d’action internationale
et de discours compétent sur les enjeux mondiaux.
Ce constat nous revient
aujourd’hui immanquablement en mémoire. Alors que plusieurs chocs systémiques
se sont succédé en cascade, prenant chaque fois de vitesse les décideurs et les
observateurs (la fin de la guerre froide, les attentats du 11 septembre, les
printemps arabes…), le monde se trouve dans un entre-deux stratégique. Il a
quitté la bipolarité sans savoir encore vers quoi. Cet état d’incertitude
touche la Méditerranée, en proie au doute après les révoltes arabes, et ses
perspectives d’avenir dépendront de trois grands facteurs : la gestion des
« après-printemps », la gestion des grands abcès de fixation, et la
posture des puissances.
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