CRISE SANITAIRE : LA DÉMOCRATIE EN DANGER ?
Publié sur le site du think tank Amadeus
La crise sanitaire partie de Wuhan plonge le monde dans une période d’incertitude. Au-delà des considérations médicales et scientifiques, la problématique politique et même géopolitique demeure omniprésente. On en distingue au moins trois dimensions. La première d’entre elles est domestique : le contrôle d’une épidémie suppose un traçage de la population, ce qui génère immédiatement une problématique relative aux libertés fondamentales. La deuxième dimension du problème est internationale. La crise étant mondiale, elle touche différents types de régimes politiques. La comparaison entre les gestions respectives de cette crise s’impose donc : les régimes démocratiques sont-ils plus, ou moins, efficaces que les régimes autoritaires face à la menace actuelle ? Enfin, les conséquences internationales de cette crise, sinon sa fin définitive puisqu’elle semble se prolonger jusqu’à obtention d’un remède ou d’un vaccin, posent la question de la reconfiguration géopolitique mondiale. Y aura-t-il des vainqueurs et des vaincus de cette crise, et si oui, lesquels ?
La problématique interne : le prix de l’efficacité
Lutter contre l’épidémie suppose, comme on l’a vu dans les démocraties asiatiques (Corée du sud, Taïwan), un traçage rapide et précis des populations. Cela pose naturellement la question des libertés publiques. Le recours à la technologie, aux smartphones personnels (donc aux données qu’ils contiennent), aux bases de données qui pourraient rassembler tous ces éléments, s’est avéré efficace. Mais l’utilisation qui peut en être faite à des fins commerciales ou surtout politiques, participe d’un débat amplement connu.
Comme l’indique le débat parlementaire français actuel sur l’application « stopcovid », ou encore le débat politique allemand, ce type de mise en œuvre nécessite un contrôle démocratique et un encadrement normatif spécifiques. Encore s’agit-il là de deux démocraties solidement ancrées. On imagine donc les craintes que pourraient susciter l’utilisation de ces technologies dans un régime autoritaire. Plus largement, le risque de voir une dictature profiter de la crise sanitaire pour renforcer son contrôle sur la société, voire son poids dans la compétition internationale, est largement évoqué. Plusieurs exemples de changements constitutionnels ont suscité le doute. C’est le cas par exemple en Hongrie.
La problématique internationale : régime politique et gestion de crise
Une compétition semble donc engagée entre différents types de régimes pour démontrer leur efficacité. La bataille fait rage notamment entre Pékin et Washington, qui s’accusent mutuellement d’hostilité ou de dissimulation, dans un contexte déjà a marqué par une guerre commerciale âpre. Les insinuations de la Chine selon lesquelles le virus aurait pu être importé par des militaires américains, et la rhétorique américaine sur le « virus chinois », alimentent une dynamique négative.
Il existe une croyance tenace selon laquelle les régimes autoritaires détiendraient une supériorité naturelle de par la discipline qu’ils sont capables d’imposer à leurs populations. Or, face à une pandémie globale qui nécessite coordination, transparence scientifique, et mise à jour régulière du partage des données, les démocraties semblent mieux armées. On sait depuis l’accident de Tchernobyl que les dictatures gèrent mal les catastrophes, dissimulant tout ce qui peut remettre en cause leur image. Par nature, les régimes autoritaires n’acceptent pas les chiffres alarmants, ni les mauvaises nouvelles. Les démocraties, avec parfois une atteinte au moral mais dans l’exigence de vérité, « encaissent » les mauvaises nouvelles pour mieux gérer la réalité de la situation.
Elles ont certes davantage de difficultés à imposer des restrictions et une discipline rigoureuse à leurs populations. Mais face à une pandémie, la liberté scientifique et le débat critique sont des atouts. Qu’on le veuille ou non, à la fin de l’épidémie, un bilan des différentes gestions sera dressé. La comparaison ne s’effectuera pas uniquement entre démocraties et autoritarismes. Au sein même des démocraties, la rapidité des mesures prises, les moyens que les Etats auront su mobiliser, la réactivité et la pédagogie à l’égard de la population, seront évalués. Déjà, des différences apparaissent, des polémiques s’installent. Le fait qu’en Asie, les régimes les plus démocratiques semblent maîtriser mieux l’épidémie tout en préservant leurs libertés, n’est pas neutre. Les gestions de Hong Kong, Taipei ou Séoul, sont remarquées et interprétées politiquement. La difficulté américaine à s’accorder sur une stratégie, notamment en comparaison avec l’Allemagne, autre système fédéral, l’a été également. La situation sanitaire, n’en doutons pas, a déjà eu et aura encore des conséquences politiques.
Prospective : interrogation sur « le monde d’après »
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