Soulèvements arabes et
recompositions diplomatiques : l’Amérique et l'Europe face à la nouvelle
donne
Au cours de l’année 2011,
la disparition physique ou politique de trois leaders arabes installés de
longue date,[1] l’isolement du régime
syrien à la suite de sa répression sanglante des mouvements observés,[2] les
tensions auxquelles plusieurs autres régimes arabes ont tenté de répondre par
la violence (Yémen, Bahreïn), par la réforme politique institutionnelle (Maroc,
Jordanie, dans une moindre mesure Oman), ou la redistribution financière
(Algérie, pays du Golfe), ne peut naturellement être sans répercussions sur le
monde extérieur. Les puissances régionales non arabes, en premier lieu, sont
placées dans l’obligation de réagir. Dans son jeu complexe qui a fait de lui de facto une puissance arabe en
dépit de son identité perse, l’Iran cherche à conserver des leviers, tout en
craignant, par contagion, une deuxième vague de protestation semblable à celle
qui avait suivi l’élection présidentielle de 2009. Après avoir mis en œuvre une
diplomatie régionale marquée par le slogan du « zéro problème », la
Turquie, avec son ministre des Affaires Etrangères Ahmet Davitoglu, doit
reconsidérer sa position.[3] Israël
enfin, qui aimait à se présenter comme la seule démocratie du Moyen-Orient,
peine à formuler une réponse aux événements récents. D’autant que, dans le même
temps et sur cette toile de fond de soulèvements populaires aux aspirations
démocratiques, resurgissent sans surprise les enjeux régionaux attendus, au
premier plan desquels la question palestinienne, tout particulièrement dans le
cadre des Nations Unies.
Les soulèvements arabes exigent
également des réponses de la part des puissances globales et des puissances
voisines. Pour deux acteurs en particulier, l’enjeu est d’importance. Pour les Etats-Unis
d’abord, qui ne peuvent s’éloigner de leur soutien inconditionnel à Israël mais
comptaient quelques alliés de poids parmi les pays musulmans environnant, la
nouvelle donne est lourde d’incertitudes. Pour l'Union Européenne ensuite, dont
la rhétorique sur le voisinage euro-méditerranéen s’est récemment renouvelée,
sans pour autant jamais déboucher sur un véritable statut d’acteur politique
dans la région. Au sein de cette union,
la France se trouve dans une posture délicate : critiquée pour avoir
tardivement pris la mesure de la situation tunisienne, puis pour avoir été, à
l’inverse, acteur de premier plan dans l’affaire libyenne, elle entretient avec
le monde arabe une relation historique qui doit être profondément réinventée.
Pour l’ensemble de ces acteurs, les événements passés ou pour certains d’entre
eux encore en cours (on pense notamment ici au drame syrien), sont déjà
porteurs d’un certain nombre de leçons. Ils sont également annonciateurs de plusieurs
dilemmes auxquels il devra être répondu sereinement pour éviter qu’ils ne se
transforment en pièges.
Lire la suite dans le dernier numéro de la revue Moyen-Orient, n°13, janvier-mars 2012
[3] On l’a vu notamment sur le dossier syrien : après avoir cherché à
réintégrer Damas dans le jeu politique régional à la faveur des pourparlers de
paix avec Israël, Ankara a tenté de proposer des portes de sortie au régime
baasiste au début de sa campagne de répression, avant de finalement changer
d’attitude et désapprouver ouvertement la violence déployée par le pouvoir
alaouite.
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