Le terrorisme a
de nouveau frappé l'Europe, cette fois à Bruxelles, à proximité de ses
institutions supranationales. L’émotion ou la colère, légitimes, ont suscité
des commentaires nombreux. Quelques éléments de Realpolitik méritent toutefois d’être rappelés.
1-
En
premier lieu, si l'Europe
vit désormais en état d’alerte permanent, le phénomène est global et va le
rester. Les attentats du 22 mars étaient certes les premiers de l’année 2016
sur le territoire de l'Union Européenne depuis ceux de Paris, le 13 novembre
2015. Mais plus
de trente attaques terroristes ont été perpétrées dans le monde depuis le 1e
janvier. D’Istanbul à Bamako en passant par Ouagadougou, Zliten (Tunisie),
Peshawar ou Lahore (Pakistan), Grand Bassam (Côte d’Ivoire) ou Iskandariya
(Irak), le phénomène est mondial. L’Etat Islamique a revendiqué beaucoup de ces
actes récents, mais d’autres groupes ailleurs sont loin d’être en reste, comme
Boko Haram ou Al Qaida. L’acte terroriste est devenu facile d’emploi dans notre
monde, il est la réponse de groupes spécifiques aux appareils étatiques
militairement plus puissants, et crier chaque fois à la stupeur est hélas à la
fois illusoire et contreproductif. Tout comme il est contre-productif de
traiter médiatiquement ces faits comme si les cibles occidentales étaient plus
importantes que les autres, ou méritaient davantage de compassion.
2-
Les actions terroristes ne sont ni aveugles, ni nihilistes.
Elles ne sont pas aveugles car elles touchent des Etats faibles, et l'Europe,
aux yeux des terroristes, en fait désormais partie. C’est une différence
frappante avec le cas du 11 septembre 2001, qui en visant les Etats-Unis voulait
à l’inverse porter un coup à une superpuissance réputée invincible. Plus
précisément encore, les auteurs de ces actions envoient des messages à peine
cryptés, en s’attaquant à des symboles plus ou moins subtils : des cafés
fréquentés par une jeunesse urbaine plutôt aisée et surtout, multiculturelle ;
des lieux de spectacles qui en eux-mêmes ou de par les groupes musicaux qui y
jouent, peuvent donner lieu à une stigmatisation en lien (parfois grossier) avec
le conflit israélo-palestinien ; des lieux de transports (métro, aéroport
bruxellois) symboles supposés des institutions supranationales, et d’une globalisation
marquée elle aussi par le multiculturalisme et l’échange entre populations. Ces
actions sont encore moins nihilistes, dans la mesure où ceux qui les revendiquent
sont porteurs d’un projet politique précis, luttent ailleurs pour des gains
territoriaux (comme le groupe Etat Islamique), recrutent en ligne sur la base
de ce projet, et de promesses dans l’au-delà. Plaquer ici le concept très occidental
de nihilisme paraît donc inadapté.
3-
Les attaques ne sont pas seulement non plus des représailles qui
seraient infligées à des politiques étrangères précises : le phénomène est
plus complexe.
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