mercredi 9 novembre 2016

Et maintenant, quelle Amérique dans le monde ?

Article paru dans The Conversation
 


Ce que beaucoup redoutaient n’a donc pas été évité. Comme les Britanniques avant le Brexit, et même, dans une moindre mesure, les Français avant le référendum de 2005, le « pays profond », comme on dit et qui ne doit pas être péjoratif, n’a pas apprécié les commandements des grands médias sur la conduite à tenir. Au-delà des réflexions à tenir sur le fonctionnement des démocraties occidentales à l’heure des réseaux sociaux et des médias globaux, interrogeons-nous sur les conséquences américaines et internationales de ce qui vient de se produire.
À la mi-juin 2016, nous écrivions :
« Imaginons un instant cet enchaînement, qui n’est plus à exclure : le 23 juin, le Royaume-Uni quitte l’Union européenne ; Donald Trump est élu président des États-Unis en novembre ; en mai suivant, un président français est choisi avec une marge trop étroite face à Marine Le Pen, dans un pays de facto immédiatement clivé et paralysé ; quelques mois plus tard en Allemagne, Angela Merkel paie les séquelles de la crise des réfugiés, ou se retrouve avec une extrême droite puissante. Les trois grands pays de l’Union européenne, quatre des piliers de l’Alliance atlantique, se retrouveraient alors, en même temps et pour plusieurs années, en crise interne et sans boussole. Ailleurs en Europe, le populisme – c’est-à-dire la mobilisation du peuple pour des raisons électoralistes sur la base d’un discours volontairement simplificateur – aura déjà frappé. Après une telle séquence, il est probable qu’il s’étendra encore. Notre rapport au monde ne peut en sortir indemne ».
Plusieurs constats, aujourd’hui, ne laissent pas d’inquiéter.

Les États-Unis : un pays déchiré

La campagne qui s’achève a globalement été jugée navrante, elle a opposé deux candidats considérés par leurs adversaires respectifs comme éminemment repoussoirs. La division et la résignation dominent. Il était à prévoir, depuis longtemps, que celui des deux candidats qui l’emporterait aurait bien du mal, au moins dans un premier temps, à se faire accepter par l’autre Amérique. Aujourd’hui, une Amérique a gagné contre l’autre. Ç’eut été la même chose dans l’autre sens, mais l’Amérique qui a perdu aujourd’hui est la plus productive, jeune et multiculturelle.
Déjà lassés par la professionnalisation à la fois extrême de la politique et de ses pratiques washingtoniennes, les Américains ont polarisé leur vote. Beaucoup d’entre eux ont rejeté le politiquement correct martelé par les grands médias. En soutenant, à plus de 70 % dans certains États, un candidat qui s’en est pris à ce point à plusieurs nationalités ou cultures (pour ne parler que d’affaires internationales), l’Amérique a brisé quelques tabous, dont plusieurs régions du globe se souviendront.
Avec des franges importantes de leur société tentées par l’intransigeance de gauche d’un Bernie Sanders et celle de droite du Tea Party (ou des idées qui lui sont proches), les États-Unis voient progresser la tentation du retrait du monde. Après la war fatigue qui avait saisi le pays à l’issue de la période néoconservatrice de George W. Bush (2001-2009), le risque d’une world fatigue est grand, après l’ouverture au monde de Barack Obama (2009-2017).

L’héritage Obama

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