mardi 31 janvier 2017

La gauche à l'épreuve de la politique étrangère


 Sommet de Minsk (Bélarus) en février 2015. Kremlin:Wikimedia, CC BY
En ces heures préélectorales où devrait s’imposer un débat sur la politique étrangère de la France, quels sont les référentiels, les visions éventuelles des principales forces politiques en la matière ? Après avoir examiné récemment le cas de la droite républicaine, et au moment où se déroule la primaire de ce côté-ci de l’échiquier politique, voyons celui de la gauche de gouvernement.
La Ve République a connu deux présidents issus du Parti socialiste (PS) : François Mitterrand (1981-95), puis François Hollande (depuis 2012). Elle a connu deux autres périodes pendant lesquelles la gestion des Affaires étrangères est revenue à la gauche : la cohabitation de 1997-2002 avec Hubert Védrine comme ministre de Lionel Jospin sous la présidence de Jacques Chirac, et la présence de Bernard Kouchner au Quai d’Orsay de 2007 à 2010 (ainsi que de Jean-Pierre Jouyet au Secrétariat d’État aux Affaires européennes de mai 2007 à décembre 2008), dans le gouvernement de François Fillon, sous la présidence de Nicolas Sarkozy.

Au-delà du consensus gaullo-mitterrandien

Quelques remarques préalables s’imposent. Il est difficile, en France, d’étiqueter une politique étrangère comme étant de gauche ou de droite. Si la volonté – réelle ou affichée – de maintenir un consensus sur les politiques régaliennes est forte, de nombreux clivages sont transpartisans : sur la relation franco-américaine ou franco-russe, sur le conflit israélo-palestinien… Enfin, gauche comme droite ont eu recours à la mobilisation du référentiel gaulliste en matière d’action extérieure, au point que l’ancien ministre des Affaires étrangères Hubert Védrine (par ailleurs auteur du principal ouvrage bilan sur la politique étrangère de François Mitterrand) avait proposé le vocable d’approche « gaullo-mitterrandienne ».
La relation de la gauche de gouvernement à la politique étrangère, sous la Ve République, peut naturellement faire l’objet de nombreux clichés, qui aboutiront généralement à la conclusion qu’une fois aux affaires, la gauche a trahi ses promesses. Elle peut s’aborder plutôt à la lumière de bilans historiques concrets, pour tenter de déceler, à partir des pratiques et non des idéaux, quelques grandes caractéristiques de ce que fut la politique étrangère telle que mise en œuvre par la gauche.
Il est possible, enfin d’essayer, d’imaginer ce que pourrait être, à l’avenir, une politique étrangère française qui s’assumerait comme de gauche, à la fois réaliste et portant la marque d’ambitions spécifiques.

Les clichés

On pourrait dresser une longue liste d’impératifs dits de gauche en matière de politique étrangère. On imagine ainsi une diplomatie nécessairement universaliste, prônant une solidarité étroite avec les pays les plus pauvres, critique à l’égard des plus riches, à commencer par les États-Unis, sceptique à l’égard de l’OTAN comme des grandes instances économiques internationales (comme Jeremy Corbyn au Royaume-Uni). On l’imagine encore nouant des contacts plus étroits avec des pays dont l’histoire fut révolutionnaire ou anticoloniale, avec des régimes laïcs ou républicains plutôt que monarchiques. « La gauche c’est l’Algérie, la droite c’est le Maroc », entend-on souvent en France.
On la suppose encore, cette politique étrangère de gauche, anti-interventionniste sur le plan militaire, sinon antimilitariste, en tout cas plus pacifiste que la droite, au nom – entre autres – d’un Jaurès dont on oublie trop souvent les écrits sur « l’armée nouvelle ». Anticapitaliste forcément, peut-être (même si ce n’est pas l’apanage de la gauche) écologiste – comme Joschka Fischer en Allemagne – et/ou féministe – comme Margot Wallström en Suède –, augmentant l’aide au développement tout en en critiquant les mécanismes aliénateurs, éprise de sécurité humaine plutôt que nationale. Les attentes ne manquent pas.

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