mardi 20 novembre 2018

Mémoires de diplomates - Evgueni Primakov



Evgueni Primakov, Au cœur du pouvoir : Mémoires politiques, Editions de Syrtes, 2002 (version en anglais 2001)




Evgueni Primakov fut l’un des acteurs soviétiques puis russes les plus influents de la fin de la guerre froide et de la période qui suivit. Orientaliste distingué à la tête de l'Institut d'économie mondiale et des relations internationales de l'Académie des sciences, journaliste, c’est sous Gorbatchev qu’il devient en 1989 Président du Soviet de l'Union, puis membre du Conseil présidentiel (1990-91), où il suit la guerre du Golfe. Nommé ensuite sous Boris Eltsine Directeur du Service des renseignements extérieurs de Russie (SVR, 1991-96), ministre des Affaires Etrangères (1996-98), et enfin Premier ministre – ou « président du gouvernement » (1998-99), il sera, après son éviction candidat aux législatives puis Président de la Chambre de commerce et d'industrie (2001-2011). Il disparut en 2015.

L’homme n’est pas un repenti. Il défend son système, réfute les accusations nombreuses portées à l’encontre de l’URSS (par exemple celle d’avoir incité l’Egypte à attaquer Israël à plusieurs reprises), et a même témoigné en faveur de Slobodan Milosevic à La Haye. Ses mémoires retracent, de son point de vue précieux, des épisodes clefs : les soubresauts de la fin de l’URSS et des débuts de la Russie (jusqu’au départ d’Eltsine et à l’arrivée de Poutine, auquel il se rallie finalement), la guerre du Golfe (1990-91), les paradoxes de la perestroïka de Gorbatchev et ses erreurs, son action à la tête des renseignements extérieurs, puis à la tête de la diplomatie russe, notamment sur les dossiers du Kosovo, du processus de paix au Proche-Orient. On y croise les leaders russes bien sûr mais aussi les présidents et secrétaires d'Etat américains, Saddam Hussein, Arafat, Hafez al-Assad, Milosevic, Castro, des dirigeants européens, surtout Chirac et Védrine, qu’il apprécie tous deux visiblement. Il plaide naturellement pour la sincérité russe, et contre les erreurs occidentales, notamment dans les guerres du Golfe de 1991 et du Kosovo en 1999, sans parler bien sûr de l'élargissement de l’OTAN, dont les américains avaient promis sous Bush senior qu’il n’aurait pas lieu. Opposé à l'intervention militaire russe en Tchétchénie, il n’épargne pas pour autant les boïeviki (combattants) tchétchènes « sanguinaires ».

Avec humour et élégance, il trace le panorama de près d’un demi-siècle russe et international, souvent à partir de sa spécialité : le Moyen-Orient. En guerre avec « la famille », ou l’entourage de Eltsine qui finit par l’écarter, il dénonce la corruption qui s’est emparée de la russie dans la décennie 1990, sans glorifier pour autant Gorbatchev. Peu tendre avec la politique américaine, il reste objectif et brosse le tableau de relations de confiance, et même amicales, avec de nombreux américains. Plus qu’un militant, c’est en membre éminent de l’élite diplomatique internationale qu’il témoigne dans son ouvrage, avec humanité souvent, mais sans regrets.

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