Les mémoires ou travaux de diplomates français se
multiplient récemment, et il faut s’en réjouir. On ne saurait trop conseiller aux
étudiants de relations internationales de commencer leur exploration du monde par
ces témoignages vivants, avant d’aborder la théorie.
Une vieille tradition existe, dont on retrouvera quelques
morceaux choisis dans le Dictionnaire
amoureux de la diplomatie, de Daniel Jouanneau, qui fut (entre autres
fonctions) ambassadeur au Mozambique (1990-1993), au Liban (1997-2000), au
Canada (2004-2008) et au Pakistan (2008-2011). Comment, à cet égard, ne pas
citer les Souvenirs d'une ambassade à
Berlin 1931 – 1938 d’André François-Poncet, qui représenta la France en Allemagne
à cette époque, et dont les chroniques permettent de retracer, avec une vision
inégalée, la montée du nazisme ? On peut en continuer la lecture par Au palais Farnèse : après Hitler à
Berlin, c’est Mussolini, de 1938 à 1940, que le même diplomate français a tenté
de comprendre, de décrypter à Rome. De grands diplomates étrangers, ministres
des Affaires Etrangères, ambassadeurs ou autres, ont nourri abondamment le genre,
de Henry Kissinger (White House Years)
à Evgueni Primakov
(Au cœur du Pouvoir), de
Hans-Dietrich Genscher (Erinnerungen)
à Chris Patten (First Confession: A Sort
of Memoir), en passant par Dennis Ross (The
Missing Peace) ou Richard Holbrooke (To
End a War).
Commencer par les mémoires, c’est comprendre la réalité diplomatique
de l’intérieur, parcourir des témoignages sur un pays ou une région (comme sur
le Moyen-Orient sous la plume de Bernard Bajolet), saisir un éclairage sur un
épisode (comme sur le dossier nucléaire iranien, raconté par Gérard Araud), parfois
sur une période longue (voir le remarquable ouvrage de Claude Martin qui retrace
un demi-siècle d’histoire chinoise). C’est découvrir les faits avant les résumés
qui en sont fait, souvent sommairement, dans le débat public. C’est comprendre
l’histoire avant d’en lire une interprétation théorique voire idéologique.
Certes, les mémoires d’un acteur sont rarement neutres.
Ils peuvent mêmes se prêter « à l’égocentrisme et au potin », comme l’indique
d’emblée Gérard Araud. Ils peuvent dégager un parfum désuet à force d’être
subtil, au détour d’une écriture convenue. Il peut même leur arriver d’être inintéressants.
Mais même ennuyeux, ils dévoilent un auteur, une machine administrative, un
dysfonctionnement. Lire les mémoires de nos diplomates, c’est entendre ceux qui
ont fait vivre ou rencontré l’histoire. C’est retrouver le vivant derrière la
théorie. C’est préférer le terrain aux analyses de seconde main.
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