Christopher HILL, The Future of British Foreign Policy. Security and Diplomacy in a World After Brexit, Polity Press, Cambridge, 2019
Spécialiste de politique étrangère aux nombreux ouvrages
de référence (Foreign Policy in the Twenty-First Century, 2015), et
co-éditeur (avec Christian Lequesne) de la European Review of International
Studis (ERIS), Christopher Hill nous offre une synthèse éclairée de ce que
pourrait être, désormais, la diplomatie britannique, ses priorités, ses marges
de manœuvre, après la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne.
Après un récapitulatif analytique de ce que fut la
relation des britanniques à
l'Europe, l’ouvrage passe en revue la portée possible de l’action extérieure de
la Grande-Bretagne, ses cartes possibles, insiste particulièrement sur les deux
relations bilatérales privilégiées avec la France et les Etats-Unis.
Dans la lignée d’autres travaux (M. Kenny et N. Pearce, Shadows
of Empire, 2018 ; D. Owen et D. Ludlow, British foreign policy After Brexit, 2018), mais à sa manière et avec
l’expérience qui est la sienne, Christopher Hill porte un regard sceptique sur
le « Global Britain » promis par les partisans du Leave,
aujourd’hui au pouvoir à Londres.
Quatre cartes, selon lui, s’offrent à présent à la
stratégie de Whitehall, toutes difficiles à exploiter : 1- un renouveau de
l’activisme britannique aux Nations Unies, 2- explorer davantage le réseau du Commonwealth,
3- se focaliser sur la solidarité de l’ « anglosphère », 4- se
concentrer sur la relance de partenariat bilatéraux privilégiés.
Mais les Nations Unies ont montré à plusieurs reprises que
Londres n’y ferait plus la pluie et le beau temps, en dépit de son droit de véto.
Un échec du Royaume-Uni à se faire élire à la Cour International de Justice en
novembre 2017, un soutien de l’Assemblée générale
à une motion de l’île Maurice contre le Royaume-Uni sur les îles Chagos la même
année, en sont autant de signes. Par ailleurs, la position de Londres en tant
que membre permanent, comme celle de Paris, est critiquée, et le couple franco-britannique
devra rester soudé pour maintenir son statut, ce qu’il a certes les moyens de
faire. Le Commonwealth est un club réel, mais dont les membres sont devenus
très hétéroclites, dont on imagine mal qu’ils se plient à la volonté d’une ancienne
puissance coloniale qui a vu son influence se réduire en Asie comme en Afrique
de l’Est. En outre la sortie de l’UE affaiblira Londres dans ses négociations
avec les pays ACP (Afrique Caraïbes Pacifique), qui ont tissé des liens étroits
avec l’Europe, notamment depuis les conventions de Lomé/Cotonou. L’anglosphère
(principalement Etats-Unis, Royaume-Uni, Canada, Australie, Nouvelle Zélande) fournit
des coopérations précieuses (les Five Eyes pour le renseignement, ou le Five
Power Defence Agreement de 1971 avec la Malaisie, Singapour, l’Australie et la
Nouvelle Zélande), mais que Christopher Hill ne voit pas se transformer en
structure plus globale ni plus permanente. Enfin, les partenariats bilatéraux
offrent l’embarras du choix, sans pour autant constituer une panacée, à l’heure
où les BRICS dérivent vers le nationalisme autoritaire.
On aurait aimé davantage de développements sur cette solitude
britannique à l’heure de Donald Trump, qui pose un véritable problème à tous
ses alliés. Mais l’auteur cherche à s’extraire du conjoncturel, pour proposer
une analyse durable, comme il l’explique de façon convaincante dès l’introduction.
L’exercice est réussi. On comprend, à la lecture de ce travail,
ce que fut la complexité de la relation euro-britannique, ce que sera la
difficulté du Royaume-Uni à l’avenir, et à quel point il restera indispensable,
pour les européens du continent,
à commencer par la France, d’imaginer les cadres permettant de maintenir des
liens étroits avec ce partenaire indispensable que reste la Grande-Bretagne.