« Kaveh Le Forgeron », Le Hezbollah Global. Les réseaux secrets de l’Iran, Choiseul, Paris, 2012
L’ouvrage signé sous un
pseudonyme – on parle d’un collectif d’opposants iraniens – revient d’abord sur
l'organisation de l’appareil d'Etat iranien, avant d’analyser l’action de
celui-ci à l’étranger, à travers le mouvement politique chi’ite mondial (POCHM)
et la nébuleuse nationale-islamique iranienne (NINI), entre autres. Une
approche très exhaustive s’attache à passer en revue les actions les plus
déstabilisatrices et les réseaux d’amitiés / complicités de la république
islamique sur l’ensemble de la planète, y compris dans des zones où une menace
iranienne n’apparaissait pas évidente aux observateurs (de la Nouvelle Zélande
à l’Uruguay, en passant par la Bolivie ou la Roumanie).
Le caractère systématique
de l’ouvrage permet de passer en revue, pour différents pays, la liste des
actions connues et répertoriées par la presse sur des points donnés.
Exemple : la liste des opposants iraniens liquidés en Turquie, p.167-170.
Des dimensions mal
connues du grand public sont analysées avec précision, ainsi la force des liens
avec le Pakistan (p.107 et sqq.), le rôle des militaires pakistanais (p.123 et
sqq.). D’autres dimensions pourtant mieux repérées sont tout de même éclairées avec
pertinence également, par exemple sur le dossier nucléaire (p.86 et sqq.) ou
sur l’Armée des Gardiens de la Révolution Islamique (p.70 et sqq.).
Malgré l’absence d’une
hypothèse forte, sans doute due à l’effet-catalogue de ce travail, on voit bien
la centralité des solidarités chi’ites à l’œuvre dans les réseaux présentés ici.
Même si pour un lecteur français, le fait de traiter l’activité iranienne au
Canada ou en Scandinavie, presque sur même pied que les passages consacrés au
Liban, à la Syrie (p.261-262) ou à l'Irak (p.175-80), étonne.
Il ne faut pas se fier au
titre de cet ouvrage : il n’est pas question – ou si peu – du Hezbollah
ici, ni en tant que tel, ni en tant que symptôme d’une méthode iranienne, consistant
par exemple à transformer un pays arabe donné en « multivocal
state », par l’établissement d’un pouvoir parallèle fondé sur la mise en
œuvre d’un mouvement armé d’identité chi’ite mais capitalisant sur l’opposition
à Israël. Sur ces points, on se tournera plutôt, pour des sources françaises,
vers les travaux de Sabrina MERVIN, Mona HARB, ou surtout, sur le dossier
libanais, ceux de Bernard ROUGIER. Ou, pour des sources anglaises, vers Hala
JABER ou Eitan AZANI.
Ce livre constitue néanmoins
un document à consulter comme aide mémoire, pays par pays, sur la question de
l’action extérieure iranienne. On pourra, à partir des exemples nombreux qui
sont passés en revue dans ce document, réfléchir à quelques problématiques qui
en émergent :
- - La question
de l’animation, par l’Iran et d’autres, d’un réseaux de « politiques
étrangères protestataires », solidaires entre elles, refusant les
initiatives occidentales et leur « diplomatie de club » (pour
reprendre l’expression de Bertrand BADIE), politiques qui comptent des relais
de téhéran à Caracas en passant
par Pyongyang, Minsk, voire Pékin ou Moscou.
- - La question
de la nuisance en politique étrangère, qui consiste à contrer efficacement les
initiatives dominantes au cas par cas, plutôt que de proposer une politique de puissance alternative avec
une stratégie globale (ainsi l’Iran a-t-il davantage profité des erreurs américaines
au Moyen-Orient, plutôt qu’il n’aurait bâti de stratégie a priori).
- - Enfin, bien
évidemment, la question de la mobilisation de ressources et de réseaux
religieux à l’appui d’une action extérieure (pour des exemples de travaux récents
sur des cas comparés en monde musulman, on regardera Amélie BLOM sur le
Pakistan ou Delphine ALLES sur l’Indonésie).
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