jeudi 29 novembre 2012

La réélection d’Obama : quelles perspectives stratégiques pour la France ?









 

La réélection d’Obama : quelles perspectives stratégiques pour la France ?


Trois rappels


-          La France est le pays que le président Obama a le plus visité durant son premier mandat (quatre fois, contre trois pour l’Afghanistan, le Mexique et la Corée du Sud, et deux pour le Royaume-Uni et l'Allemagne entre autres).
-          Le calendrier fait que les deux présidents français et américain sont désormais appelés à travailler ensemble jusqu’à la fin de leurs mandats respectifs, en janvier et juin 2017 (à la différence qu’il s’agira nécessairement du dernier mandat pour Barack Obama). Ils ont donc du temps devant eux pour établir une relation forte… mais sont également condamnés à se supporter quoi qu’il arrive.
-          A la fin de son premier mandat, le président américain avait insisté sur l’importance stratégique de l’Asie (le fameux pivot). Le président français insiste quant à lui sur la nécessité de relancer l'Europe politique, dont chacun admet dans le même temps qu’il s’agit d’une tâche difficile. La période qui s’ouvre devrait donc être marquée par la question de savoir comment combiner ces deux paramètres : l'Europe sera-t-elle en mesure, plus globalement, de prendre part aux dynamiques stratégiques nouvelles et parfois lointaines pour elle, qui préoccupent entre autres son allié américain ?

plusieurs tendances décelables dans le premier mandat de Barack Obama peuvent être extrapolées :

1-     Une relativisation assumée de la valeur stratégique de l’allié européen


En qualité, la relation bilatérale franco-américaine n’est pas en cause, mais en intensité, l’intérêt américain pour l'Europe s’estompe. Les Etats-Unis sont en quête d’alliés forts et engagés à l’heure où les européens montrent peu d’appétence pour un rôle international, ou bien disposent de peu de moyens pour le faire. Plus explicitement que ses prédécesseurs, Barack Obama admet que l’essentiel des défis stratégiques n’est plus en Europe, et que la relation privilégiée à l’allié européen n’est plus un tabou. alors que les Républicains lui reprochaient cette attitude à l’égard des alliés traditionnels, sa réélection le conforte dans ce sens. La France pourrait souffrir de ce contexte si elle le comprend mal (voir conclusion).


2-     Une fenêtre d’opportunité pour un nouveau partage des rôles


Deux tendances de l'administration Obama à l’égard du Sud pourraient, si elles se poursuivent, offrir des créneaux de complémentarité France - Etats-Unis qui augmenteraient la valeur stratégique de la France aux yeux de l’allié américain.
a.       La reconnaissance par Barack Obama d’une demande de réappropriation du politique par les sociétés du Sud (observable par exemple dans le soutien américain accordé aux Printemps arabes), est hautement compatible avec la rhétorique française vis-à-vis de ces mêmes régions, notamment celles qui se situent dans l'environnement stratégique français (Méditerranée, Afrique).
b.      Les Etats-Unis émettent le souhait de régler les tensions régionales dans les zones mentionnées ci-dessus, pour se consacrer désormais à des enjeux stratégiques prioritaires, situés plus loin de la France et de l'Europe (comme l’Asie). Cela ouvre la porte à une division des tâches entre l’Amérique et ses alliés européens, auxquels il pourrait être demandé de prendre davantage en charge la stabilité de leur environnement stratégique (là où des administrations antérieures s’autoproclamaient arbitres ou peace broker unique de ces tensions).

3-     Des postures bilatérales américaines qui peuvent favoriser la marge de manœuvre française


Pour le dire cyniquement, l'administration Obama-I a entretenu avec plusieurs Etats des types de relations bilatérales dont la France pourrait tirer partie si celles-ci étaient reconduites. A titre d’exemples :     
-          La main tendue américaine vers le monde musulman est plus facile à gérer par Paris qu’une rhétorique de choc des civilisations ;
-          Le fait que Washington voie en Londres davantage un partenaire stratégique en déclin militaire, plutôt qu’un relais politique des intérêts américains dans le jeu européen, change également la donne ;
-          La difficile relation de l'administration Obama-I à l'administration israélienne du Likoud, réticente à un rôle des européens en général et de la France en particulier dans les dossiers du Proche-Orient (notamment israélo-palestinien), change là encore la donne ;
-          l'administration Obama a initié le reset avec la Russie. Même si l’initiative n’a pas donné les résultats espérés, l’état d’esprit dont elle témoignait, qui inclut aussi la Russie comme un élément du complexe de sécurité européen, convient sans doute mieux à l’approche française qu’une posture belliqueuse.

Conclusion : gare aux illusions stratégiques


Deux erreurs ou plutôt deux idées fausses, présentes dans le débat public français, devront être évitées :

1-      Barack Obama est trop souvent considéré comme un président « européen ». Or il agira bien comme un président américain, dans le sens des intérêts américains. Il ne faudrait pas que ce point donne lieu à un « expectations – capabilities gap », ou à une « déception amoureuse » en France.
2-      Son administration éloigne ses priorités stratégiques de l'Europe, mais pour mieux considérer cette dernière comme un fournisseur potentiel de sécurité : il est possible de travailler à la rassurer sur ce second aspect du problème, plutôt que de geindre sur le premier.

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