Christian Malis, Guerre et stratégie au XXIe siècle, Fayard, Paris, 2014
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Christian Malis nous livre ici un essai de stratégie future,
en s’efforçant de tenir compte de ce que seront les paramètres de la sécurité,
de la défense et de la guerre dans un proche avenir. Parmi les temps forts de
ce travail, on note le chapitre 4 sur un « troisième âge nucléaire »,
qui propose plusieurs scénarios pour la dissuasion : 1- la peu probable disparition
totale des armes atomiques, 2- le triomphe souhaitable du principe de
l’interdiction (ou la dissuasion défensive s’interdisant toute action contre-force),
3- une relance de la course au nucléaire entre grands accompagnée de prolifération chez les puissances
régionales, enfin 4- le choc que constituerait l’usage de la bombe dans un
conflit qui aurait dégénéré (par exemple entre Inde et Pakistan). Dans tous les
cas de figure, Christian Malis estime que le nucléaire cessera d’être le grand
régulateur des rapports de force internationaux, ce qu’il fut depuis 1945.
Parfois aux confins de la science-fiction, l’ouvrage insiste
également sur les nouveaux acteurs stratégiques, les nouveaux espaces de leurs
confrontations, et le nouvel « amont » technostratégique de leur
développement. Nouveaux acteurs non pas au sens des relations internationales
traditionnelles (les ONG, les mafias, médias, entreprises multinationales,
entrepreneurs religieux ou de violence…), mais au sens du soldat numérisé et
hyper-connecté, du robot militaire (comme le drone), des forces spéciales, du mercenaire,
du cyber-guerrier, cyber-activiste, cyber-terroriste ou cyber criminel. Des
enfants soldats aussi, réalité à laquelle nous nous trouvons déjà confrontés.
Les nouveaux champs de bataille sont, eux aussi, déjà connus : le
cyberespace, d’accès très bon marché, et l’espace tout court, à l’inverse très
onéreux. Enfin, un chapitre sur la techno-stratégie vient rappeler ce qu’une
armée moderne doit au soutien logistique d’une part, à la R&D d’autre part.
De ce point de vue, l’efficacité française au Mali fut celle non pas de quelque
4.000 hommes sur le terrain, mais d’une « armée de 400.000 hommes »,
personnels de l’industrie de défense compris.
L’ouvrage est l’occasion de nombreux rappels ou hypothèses utiles
par les temps actuels. Aux frontières d’un empire, la sécurité n’est pas totale
tant qu’on n’a pas assujetti les puissances voisines (p.17). Dans le monde qui
vient, trois types de tensions stratégiques dominent : les rivalités pour
les espaces régionaux, la compétition pour le contrôle des ressources
naturelles, et les confrontations identitaires (p.63). De la même manière coexisteraient
trois mondes stratégiques : un monde néo-westphalien où l’équilibre des
puissances reste de mise (comme en Asie), un monde post-westphalien où la
guerre n’est plus une perspective acceptable (dans le monde occidental), enfin
un monde pré-westphalien où la désintégration de l'Etat entraîne le chaos
(Moyen-Orient, Afrique).
Au final, l’ouvrage est critique à l’égard des choix
stratégiques retenus en Europe, parfois souverainiste dans son bilan de
l'Europe de la défense et de la dépendance dans laquelle celle-ci est entrée
vis-à-vis des Etats-Unis, et se veut force de proposition dans sa conclusion,
tout en appelant, exemples à l’appui, à une refonte de la pensée stratégique :
« combien de livres de stratégie sont encore écrits comme à l’époque de
Napoléon », s’interroge Christian Malis (p.183), non sans quelque vérité.
Frédéric Charillon
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