mardi 28 juin 2016
La politique étrangère à l’heure des populismes
Dans L'opinion du 15 juin 2016
Imaginons un instant cet enchaînement, qui n’est plus à exclure : le 23 juin, le Royaume-Uni quitte l’Union européenne ; Donald Trump est élu président des Etats-Unis en novembre ; en mai suivant, un président français est choisi avec une marge trop étroite face à Marine Le Pen, dans un pays de facto immédiatement clivé et paralysé ; quelques mois plus tard en Allemagne, Angela Merkel paie les séquelles de la crise des réfugiés, ou se retrouve avec une extrême droite puissante.
Les trois grands pays de l’Union européenne, quatre des piliers de l’Alliance atlantique, se retrouveraient alors, en même temps et pour plusieurs années, en crise interne et sans boussole. Ailleurs en Europe, le populisme - c’est-à-dire la mobilisation du peuple pour des raisons électoralistes sur la base d’un discours volontairement simplificateur – aura déjà frappé. Après une telle séquence, il est probable qu’il s’étendra encore. Notre rapport au monde ne peut en sortir indemne.
D’abord parce que les idéaux démocratiques en général, ceux de l’Union européenne en particulier, sortiront laminés par l’arrivée au pouvoir de candidats élus sur leur dénigrement. De cette crise des valeurs résultera nécessairement une crise de légitimité, de crédibilité et donc d’autorité internationale des pays concernés. L’UE comme l’OTAN deviendront les théâtres de divisions politiques funestes. La gestion des crises internationales devra se passer d’elles. En un mot, tout sera à revoir. Une page sera tournée, donnant à la période qui s’était ouverte avec la chute du Mur de Berlin, une issue pour le moins surprenante.
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Face au nouveau malheur arabe : de l’intérêt de possession à l’intérêt de milieu
Pour le site Global Brief (Toronto)
Samir Kassir avait identifié, dans ses Considérations, plusieurs facteurs à
ce qu’il appelait le « malheur arabe » face à la modernité (S.
Kassir, Considérations sur le malheur
arabe, Actes Sud, 2004). Plus prosaïquement, les analyses récentes (voir
par exemple The Economist, 14 mai
2016, The War Within) avancent souvent
quatre dynamiques de l’effondrement de l’ordre politique arabe dans les
dernières années : 1- l’échec du modèle autocratique ; 2- le
caractère non soutenable du système d’économie de rente ; 3- les tensions
entre religion et politique, particulièrement dans le monde sunnite ; 4- les
interventions déstabilisatrices des Etats-Unis, suivies sous Barack Obama par
un désengagement tout aussi déstabilisant. En cette année de centenaire des
accord Sykes – Picot, bien d’autres hypothèses encore peuvent être
avancées : un déclin
des politiques étrangères arabes depuis une trentaine d’années face aux
trois puissances régionales non arabes (Turquie, Israël, Iran) ; la non
résolution du conflit israélo-arabe et la perception arabe d’un refus ou
renoncement extérieur à traiter le sujet ; des questions de minorités et
de réfugiés suspendues au point d’en devenir autant de conflits gelés… La liste
est longue.
Il est pourtant un facteur commun à l’ensemble de ces
maux : ils ont été engendrés il y a longtemps (soit du fait des acteurs
régionaux eux-mêmes, soit des acteurs extérieurs), par la recherche de
l’intérêt de possession qui caractérisait l’époque. C’est-à-dire par la
conviction que dans un jeu à somme nulle, tout ce qui était gagné par l’un
(pétrole, territoire, influence…) était perdu pour l’autre. Il fallait donc
posséder, et empêcher l’autre de posséder ou d’accéder à des leviers qui
puissent lui permettre de posséder un jour. Dans cette logique, il était utile
de diviser pour régner, de cloisonner pour prévenir, de monopoliser le pouvoir
pour tenir la société, d’avoir recours à des puissances extérieures pour
consolider ses acquis.
Les temps ne sont plus à l’intérêt de possession mais à
l’intérêt de milieu, c'est-à-dire à la construction d’un environnement stable
et prospère, avec des voisins en mesure de participer à l’élaboration d’un
cadre collectif autorisant le pacte de sécurité, l’échange ou les économies
d’échelle. Dans cette perspective, l’absence de dialogue politique national
dans beaucoup de pays arabes, la stagnation économique et sociale, l’absence
d’inscription dans des logiques d’intégration régionales et globales, constitue
une triple
impasse suicidaire. Dans cette perspective encore, les recettes antérieures
ne garantissent plus la stabilité mais précipitent au contraire la marche à l’explosion.
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