lundi 24 octobre 2016

Ignace Dalle, La Ve République et le monde arabe. Le désenchantement




Ignace Dalle, La Ve République et le monde arabe. Le désenchantement, Fayard, Paris, 2014




En plus de 500 pages, cet ouvrage nous livre un panorama presque complet des relations de la France avec le monde arabe depuis le général de Gaulle. Fantasmée par l’orientalisme, souvent réduite au vocable réducteur de « politique arabe de la France » (ce qui constitue un critère de cohérence pour les uns, une infamie presque équivalente à celle de la « Françafrique » pour d’autres, cette relation est en réalité fractionnée dans le temps et l’espace. D’abord parce qu’il n’y a pas « un » monde arabe, ensuite parce que les dirigeants, les enjeux, les options de politique étrangère changent de part et d’autre de la Méditerranée.

beaucoup de continuité, tout de même, selon l’auteur, au fil des présidents successifs : De Gaulle « l’architecte », Pompidou « le continuateur », Giscard et Mitterrand rattrapés surtout par la question palestinienne, Chirac le « gaulliste wilsonien », et Sarkozy « l’amateur impatient ». La première partie de l’ouvrage suit le fil des perceptions, des styles et des choix de ces hommes-là, dans leur approche globale de la région ANMO (afrique du Nord Moyen-Orient), sur fond d’impuissance européenne. Sans surprise, plusieurs phases émergent : la reconstruction de la relation après la guerre d’Algérie, des années 1970-80 marquées par la question palestinienne et le pétrole, et peu à peu, l’éclatement du monde arabe au fil des guerres américaines (1991, 2003), qui s’achève sur les soulèvements de 2011. Tous les présidents français n’ont pas eu initialement de politique, ni de vision, ni même d’intérêt personnel pour cette zone. Tous ont été rattrapés par elle.

La seconde partie de l’ouvrage revient sur quelques relations bilatérales choisies : l’Algérie, le Maroc, la Tunisie, le Liban, la Palestine. L’Egypte et le Golfe y auraient eu leur place (l'Irak est abondamment traité en première partie, et la Syrie, au prisme du Liban). On redécouvre des épisodes parfois perdus de vue sinon oubliés (Bizerte 1961, le prisme pro-israélien des premiers mois de la présidence mitterrand, les recommandations chiraquiennes aux Libanais en 1996, d’attendre un règlement régional global pour se libérer de l’occupation syrienne…). Et l’ouvrage se termine sur une réflexion à propos de « la France et ses arabes », écrite avant les traumatismes de 2015-2016 (la rédaction de l’ouvrage s’est achevée à l’été 2014, en pleine opération israélienne sur Gaza), ce qui ne permet pas d’inclure les affres du rapport à l’islam dans cette nouvelle période qui s’ouvre.

Principalement narratif, ce travail n’est pas exempt d’analyse (ce qu’on ne saurait lui reprocher), ni de jugements (par définition, parfois discutables). Les retours historiques sont bienvenus, mais des thèmes manquent (la relation avec la Libye et les opérations de 2011, l’Egypte et bien d’autres, mériteraient des développements plus longs). Les coups de projecteurs sur l’actualité récente ne sont pas tendres pour les deux derniers présidents, Sarkozy et Hollande. Nicolas Sarkozy, surtout, dont l’action est qualifiée d’amateurisme est moins critiqué pour les revirements néoconservateurs dont il fut parfois accusé (accusation moins poussée ici) que pour son manque de vision.

Cette fresque récente expose les turpitudes, souligne les continuités, mais surtout rappelle le caractère essentiel qu’il y a à comprendre cette relation, au-delà du seul Moyen-Orient (le Maghreb est tout aussi central pour la France).

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