samedi 29 juin 2013

Débat : Asie et Moyen-Orient, importances respectives

La grande séduction stratégique de l’Europe

Proposition: L’Asie est devenue pour l’Europe plus importante que le Moyen-Orient 

Proposition: L’Asie est devenue pour l’Europe plus importante que le Moyen-Orient


Charillon (contre): Contrairement à ce que peut laisser entendre un certain débat sur le «pivot» de la puissance américaine vers l’Asie, l’importance de cette dernière région asiatique – importance que nul ne remet en cause – ne doit pas faire oublier d’autres arcs de crises dans les relations internationales actuelles. À cet égard, il serait vain de lancer un «concours de dangerosité» (ou de centralité) entre l’Asie et d’autres régions du monde, à commencer par le Moyen-Orient (en effet, l’Asie occidentale).
En premier lieu, non seulement serait-il erroné d’ausculter la scène mondiale à la seule lumière des développements doctrinaux de Washington, mais surtout il s’agit moins aujourd’hui d’un basculement complet des États-Unis vers l’Asie que d’un redéploiement de leur dispositif dans cette zone, ou d’une adaptation de la stratégie américaine à la nouvelle donne, notamment en termes d’Anti-Access/Area-Denial. Personne aux États-Unis n’a jamais dit que l’Asie devait éclipser le reste du monde, ni que la montée en puissance chinoise devait faire passer au second plan les relations avec les autres puissances.
Ensuite, et plus spécifiquement, prédire la relativisation du Moyen-Orient dans les relations internationales serait bien imprudent pour plusieurs raisons. La première est que cette région regroupe – hélas – des abcès de fixation dont la dimension conflictuelle interétatique n’échappe à personne: le drame syrien et ses risques de régionalisation voire d’internationalisation, et le dossier nucléaire iranien et les réactions qu’il suscite en Israël, sont deux exemples de menaces pour la paix et la stabilité qui n’ont malheureusement rien à envier aux tensions qui pèsent sur la mer de Chine méridionale ou entre les deux Corées.
Enfin, le Proche et Moyen-Orient illustrent aujourd’hui l’importance de la dimension sociale et symbolique d’un monde nouveau, dont plusieurs leçons doivent être tirées. Le rôle des acteurs non étatiques transnationaux (Frères musulmans, Hezbollah, Hamas, etc.), le paramètre religieux, la revanche des sociétés et la fin des craintes des populations d’affronter des pouvoirs politiques répressifs, l’importance de la sociologie militaire dans la réponse apportée par les pouvoirs d’État à ces défis, et le ressort politique mobilisateur fort que constitue la frustration, sinon l’humiliation économique, politique et sociale, sont des phénomènes potentiellement extrapolables tôt ou tard à d’autres latitudes. Ces phénomènes affichent certes une complexité inconfortable, dans la mesure où leur caractère non étatique, leurs enchevêtrements politiques et sociaux si minutieux, interdisent quasiment l’espoir d’un recours à une stratégie d’offshore balancing. Mais il faut se résoudre à admettre que le Moyen-Orient constitue à cet égard un laboratoire des nouvelles relations internationales, lesquelles ne peuvent plus se réduire à la dimension interétatique ni au seul hard power (présence militaire, ressources énergétiques, etc.). À ce titre, la région demeure centrale et lourde de signaux qu’il faut entendre jusqu’en Asie.

1 commentaire:

  1. Je partage cette analyse
    En effet si l'Asie est clairement devenue un nouveau pôle d'attraction pour les pays Occidentaux dans de nombreux domaines (économiques, culturels du points de vues des échanges qui augmentent, mais aussi RI), la zone Moyen-Orientale n'en reste pas moins l'épicentre des RI comme le montre l'actualité, qu'il s'agisse du blocage du processus de paix Israélo/Palestinien ou des révolutions Arabes depuis 2010.
    Surtout l'issue du Printemps Arabe présentée comme la victoire de l'Islamisme politique me semblait trop simpliste, l'histoire n'est pas terminée au contraire, les partis islamistes au pouvoir vont connaitre d'immenses difficultés vis-à-vis des opinions Arabes, comme pour tout mouvements protestataires l'accession au pouvoir reste fatale dans le mesure ou le pouvoir politique :

    1/ tend a institutionnaliser les nouveaux gouvernants, même issus de mouvements plus radicaux et qui ne partage pas les habitus des partis traditionnels.

    2/ prive ces mouvements de leur positionnement habituel "anti-systéme", on le voit bien en Égypte aujourd'hui avec les Frères Musulmans, il est plus difficile de régler les graves difficultés économiques qui se posent au pays que de faire des distributions dans les quartiers du Caire.

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