samedi 29 juin 2013

Strategic Cultures in Europe. Security and Defence Policies Across the Continent

L4-13-LDMHeiko Biehl, Bastian Giegerich, Alexandra Jonas (Eds.), Strategic Cultures in Europe. Security and Defence Policies Across the Continent, Springer, Berlin, 2013, 405 p.
Retrouvez les autres notes de lecture dans la Lettre de l'IRSEM
Vingt-huit contributions sur les cultures stratégiques qui cohabitent au sein de l'Union Européenne (avec la Turquie en prime, mais sans la Croatie) : voici un pari audacieux et qui arrive à point, à l’heure où la France présente son nouveau Livre Blanc sur la défense et la sécurité nationales. Vingt-huit contributions qui ensemble forment un précieux manuel, synthétique et exploitable, sur les approches d’action extérieures - politique étrangère et défense – de partenaires pourtant bien éloignés les uns des autres en la matière.
On appréciera tout particulièrement dans ce travail – auquel contribuent, pour l’article sur la France, Bastien IRONDELLE et Olivier SCHMITT – la réflexion proposée en introduction sur le concept même de culture stratégique. Que signifie cette notion exactement, quels en sont les acteurs ou les animateurs, la culture stratégique est-elle monolithique, peut-elle évoluer dans le temps ? Autant de questions que ce travail reprend méthodiquement, organisant chaque chapitre, sur chaque Etat donc, en quatre points principaux : a) le niveau d’ambition affiché en matière de politique internationale de sécurité par l'Etat concerné, b) la marge de manœuvre de l’exécutif dans le processus décisionnel, c) l’orientation globale de politique étrangère, d) la propension de l'Etat considéré à utiliser la force militaire.
On sera séduit également par l’aspect pédagogique de cet ouvrage, qui récapitule les données et documents principaux contribuant aux différentes doctrines nationales, et même, pour chaque étude de cas, une bibliographie sélective fort utile. Avouons-le, si les cas français, britannique, allemand et quelques autres sont déjà relativement connus de la communauté stratégique française, il nous restait beaucoup à apprendre sur Malte, l’Estonie, la Slovaquie ou quelques autres.
C’est là, peut-être, qu’une limite – il en faut… - peut apparaître : dans leur souci de rigueur scientifique, louable, par ailleurs, les auteurs appliquent avec systématisme la même grille d’analyse aux vingt-huit pays. Peut-on réellement aborder avec les mêmes questionnements la « culture stratégique » du Luxembourg ou de la Lettonie, et celle de la France ou de la Grande-Bretagne ? L’un des risques inhérents à cette démarche est alors celui d’un résultat politiquement correct : il ressort naturellement des études menées que chacun tient à la PESD, mais aussi à l’OTAN, tout comme à l’OSCE. Mais on aurait aimé en savoir plus sur les craintes, les tabous et les blocages.
Il n’en demeure pas moins que ce travail s’imposait. D’abord par le récapitulatif inédit qu’il nous offre, ensuite par la vision d’ensemble qu’il dégage, et qui s’avère au final bien sombre : après avoir lu les vingt-huit contributions, il ressort qu’à quelques exceptions près, les membres de l'Union Européenne – Turquie exclue, donc – connaissent une période budgétaire difficile, mais aussi, pour beaucoup d’entre eux, un défaut de volonté politique. Hormis (entre autres) la France et la Grande-Bretagne, les chiffres alignés sont dérisoires. Les contributions aux opérations extérieures se comptent parfois en dizaines d’hommes. Les réticences à une puissance assumée restent immenses, et surtout majoritaires. La typologie des postures ainsi observables, et ses conséquences pour une éventuelle Europe puissance, constituent en conclusion une contribution majeure au débat. A consulter avant qu’il ne soit trop tard.

F. Charillon

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