Laure Mandeville, Qui
est vraiment Donald Trump ?, Equateurs, Paris, 2016
Quelques jours après l’élection présidentielle américaine,
il importe de relire le petite ouvrage de Laure Mandeville, journaliste au Figaro
et pendant huit années correspondante à Washington, qui nous a offert l’une des
meilleures synthèses sur la personnalité complexe du candidat républicain et désormais prochain président américain. Retour sur ses origines familiales, parcours médiatique de ce magnat devenu
familier des foyers américains à force de coups de publicité et de
télé-réalité, options internationales
parfois improvisées mais révélant des tendances profondes ou des opportunités
personnelles : c’est un panorama à peu près complet que nous livre ce livre clair et équilibré. De cet effort d’objectivation, qu’il faut
saluer tant il est difficile de rester objectif sur Trump, il ressort plusieurs
choses. En premier lieu, Trump est le candidat d’une certaine Amérique que l’on
peut qualifier de frileuse ou fermée, mais surtout déclassée et inquiète :
ce sont les « bastions populaires blancs paupérisés » bien analysés
dans le chapitre 4. « Insécurité culturelle », dirait le politiste Laurent Bouvet
à propos de la France. Ensuite, « Trump n’est pas Hitler » (chapitre
5). Il est trop opportuniste pour cela, versatile, insuffisamment structuré. Son
ego lui importe bien davantage que son programme ou qu’une quelconque
révolution. C’est ce qui fit d’abord son succès : aisance décomplexée dans
le contact avec le public, sens du (one man) show, de la répartie ou de la
formule. C’est ce qui fait également sa limite : après tant d’années à
avoir retourné des situations financières, rattrapé des clients, des associés
ou des contrats, d’une pirouette, d’un mot juste ou d’un pouvoir de conviction
bien réel, « Le Donald » n’a peut-être pas encore entrevu qu’un leadership national et mondial nécessitait davantage, à savoir une stratégie pensée et
collective. Le portrait dressé par Laure Mandeville n’est pas rassurant : liens troublants avec des personnages peu recommandables,
méthodes douteuses, ego surdimensionné, paranoïa complotiste (ce que la
dernière ligne droite de la campagne américaine a permis de vérifier), goût
sans limite du coup d’éclat, tentation autoritaire… Enfin, Trump est une figure
américaine connue pour ses écarts, et appréciée comme tel dans certains
segments de l’Amérique en crise, du fait d’une profonde demande de changement,
de renouvellement des têtes. A ce
titre, il faut rapprocher son succès de celui de bernie Sanders aux primaires démocrates, mais aussi des
percées populistes européennes. Une demande de repères identitaires, de purge
du système politique et de politiques non conventionnelles, ont imposé Trump
comme candidat au Parti républicain, puis comme président, au mépris des pronostiques. Contrôler la page Trump sera la tâche de
l’Amérique toute entière.