(lire la suite sur Global Brief (Toronto)
Une politique étrangère
a souvent ses tournants, ou ses moments clefs qui déterminent un changement d’orientation,
restructurent les croyances comme les organigrammes. La guerre contre l’Espagne
en 1898, Pearl Harbour, le « Long
telegram » de 1946, la guerre de Corée en 1950, le Vietnam, la
révolution iranienne, la fin de la guerre froide et la guerre du Golfe qui l’a
suivie, le 11 septembre 2001, sont autant d’épisodes qui ont ainsi profondément
modifié la politique étrangère américaine (voir, à Montréal, les travaux de
Charles-Philippe David sur la question). Qu’en est-il de la France ?
Le court XXe siècle (1914-89) aura d’abord été marqué
par la terrible victoire de 1914, obtenue dans une saignée générale qui fut le suicide
de l'Europe ; le traumatisme de 1940 ensuite, hantera les esprits, qui n’oublieront
jamais, malgré la magie gaullienne in
fine, que la France a failli disparaître ; de la crise de Suez en
1956, la France tira une analyse opposée à celle des britanniques : il faut avoir les moyens de résister aux
pressions de l’allié américain, et ce sera le statut de puissance nucléaire ; le gaullisme de gouvernement, enfin (1958-69),
instaurera pour longtemps un socle de principes fait d’indépendance et d’une « grandeur »
que Maurice Vaïsse a parfaitement analysée, et qui devait compenser la perte de
l’Empire (La Grandeur, 2013).
Descendons dans le
détail de l’après-guerre froide, après
que l’effondrement de l’Union soviétique eut obligé de si nombreuses diplomaties
à s’adapter à un monde post-bipolaire. La réunification allemande (1990), en
faisant glisser le centre de gravité européen vers l’est, effaçait plus de
trente ans d’un leadership français perçu, dans l’hexagone, comme naturel. La guerre
du Golfe, en 1991, montra que la France devait adapter son outil militaire à
une époque de projection, déclenchant une série de réformes qui aboutiront sous
Jacques Chirac à la professionnalisation des armées. L’éclatement de la Yougoslavie,
à partir de 1992, mit fin aux illusions d’une Europe puissance, et d’un brave
nouveau monde onusien. Le Rwanda, après l’opération Turquoise de 1994, changea
à tout jamais la politique africaine d’une France qui n’avait plus de « pré-carré »,
et se retrouvait sur le banc des accusés, dans un monde ultra-médiatisé. Les
printemps arabes, en 2011, nous firent entrer dans l’ère « post-post
coloniale » : ces sociétés du sud méditerranéen, jadis si familières au
moins dans l’esprit des orientalistes, avaient désormais des populations
composées aux trois quarts de citoyens de moins de 30 ans, qui se soulevaient sans
crier gare, sans plus aucun référentiel post-colonial, et suscitant à Paris
surprise et maladresses.
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